Merci à l'association Graines de savoir pour l'invitation (c'est la deuxième ; l'année dernière j'avais pu évoquer la littérature corse).
Devant une vingtaine de personnes, au café La Parenthèse, à Forcalquier, entre 18 et 20 h, le mardi 8 décembre 2015, j'ai parlé du "Cantique des cantiques", du caractère composite, étrange, de ce texte dont les morceaux jointent mal ; de la multiplicité incroyable des interprétations qu'il suscite encore ; du fait que comme texte érotique, il semble nous montrer ce qu'est la lecture, c'est-à-dire un acte qui fait quelque chose avec le texte et nous fait à nous quelque chose aussi ; de la lecture comme métamorphose, donc ; du plaisir de ces métamorphoses ; de la difficulté de ces métamorphoses ; de ce que l'association du "Cantique" avec la poésie de Baudelaire peut faire au texte de Baudelaire ; des liens que l'on trouvera entre la Sulamite du "Cantique" et l'Andromaque du "Cygne" (dans "Les Fleurs du Mal") ; qu'une voix personnelle se fabrique avec les voix des autres ; de la place que j'accorde au "Cantique" dans le roman "La toile souveraine" (pour faire pendant à la soi-disant "Ode à la Corse" de Saint-Exupéry") ; du roman "La toile souveraine"...
Bref ce fut un plaisir. Car le dialogue s'est ensuite engagé !
(Donc un gros merci à Valou !!)
La prochaine intervention publique à propos de ce roman sera début janvier 2016 : je suis invité par Philippe Martinetti dans son émission "6 et demi", sur France 3 Corse Via Stella !
(J'ai par ailleurs régulièrement des retours de lecture, parfois contrastés !, et c'est passionnant ; j'y reviendrai plus tard.)
Des nouvelles de mes travaux
mercredi 16 décembre 2015
vendredi 4 décembre 2015
11. Jacques Fusina chronique "La toile souveraine".
C'est un grand plaisir, et honneur, de voir ainsi mon roman présenté, analysé, critiqué par Jacques Fusina, grande figure de la littérature corse, et récent lauréat du Prix littéraire de la Collectivité de Corse pour son premier roman "Le petit soldat" (Albiana, 2015).
C'est dans l'hebdomadaire "Informateur Corse Nouvelle" (ICN) du Vendredi 4 décembre 2015 que cela se passe, page 19.
Avec son autorisation, voici l'article de J. Fusina. Il insiste sur l'aspect moderne de la composition de l'ouvrage (trois parties, bricolages narratifs, entremêlement des voix) pour mettre en garde les lecteurs non avertis. C'est bien vu, car dans mon esprit, il y avait la volonté de proposer un roman inventif, une structure ouverte où le lecteur est sollicité, un roman sur la possibilité de l'amour, à la fois dramatique et ludique. D'ailleurs la tension entre le foisonnement, l'éparpillement et la concentration, la volonté de clarté est thématisée à travers le personnage de Benjamin. C'est cette tension que j'aime, et j'aime que le lecteur soit convié à jouer le jeu.
Donc, voici l'article, bonne lecture ! :
Pour un Saint-Exupéry
Ce n’est là que le sous-titre du dernier ouvrage de François-Xavier Renucci La toile souveraine (Albiana, 2015) mais il est vrai que le souvenir de l’écrivain-aviateur y est présent de la première à la dernière page, car il ne faut peut-être pas se laisser trop perturber d’emblée par l’organisation interne parfois déroutante de ce roman qui annonce trois parties aux intitulés étranges entre « Le début des emmerdes » et « Time out » en passant par « La littérature nazie en Corse ». Manière sans doute de mieux convaincre le lecteur par un affichage qui tient à prendre en compte les divers plans où le narrateur place le texte. Car il y a d’abord une histoire d’amour semi clandestine dans une chambre d’hôtel aux volets clos où un jeune couple suit à distance les délires d’un ami universitaire, Jacques Casanova, fraîchement issu d’un séjour en hôpital psychiatrique, à propos d’un poème prétendument attribué à Saint-Exupéry. L’enquête de l’enseignant, menée par cours interposés, permet certes de débrouiller progressivement les secrets de cette « Ode à la Corse » en s’intéressant notamment au séjour réel autant que très bref de l’aviateur dans l’île en 1944, puis elle débouche sur un « time out » où se reforme le couple initial après une fuite en Nouvelle-Zélande, survenue entretemps, du garçon, nommé Benjamin, et est donnée la nouvelle de la mort de Jacques en même temps que le résultat de son enquête.
Ainsi résumé sommairement le livre pourrait désarçonner tout lecteur habitué aux récits linéaires et aux unités narratives classiques. Or, ce n’est pas le cas ici puisque non seulement les plans de l’action s’entremêlent comme d’ailleurs les divers « je » qui y sont mis en œuvre, entre le dialogisme initial et les correspondances épistolaires, sans compter les blogs et autres DVD, mais encore la partie centrale est-elle constituée par le compte rendu détaillé des séminaires du professeur volontairement trop caricaturaux pour favoriser toute tentation identificatrice de ceux qui dans une société insulaire exiguë auraient trop souvent tendance à chercher partout des clés de lecture, en relation avec le réel vécu auquel il est fait allusion à plusieurs reprises.
Les lecteurs un peu mieux avertis des évolutions et manières de l’écriture contemporaine trouveront en revanche matière à réflexion et à commentaire en s’intéressant par exemple aux nombreuses digressions, citations ou références qui, nourrissant l’univers littéraire de l’auteur, lui permettent une liberté de ton, allant du comique au tragique, du loufoque au sérieux, par des montages et assemblages modernes, des ruptures et des surprises vers les possibles prolongements de la lecture. Tout comme pourraient le faire certains spectateurs de ciné-club après la projection en discutant avec réalisateur et participants. Atmosphère familière et sympathique, dans ce cas, même si elle comporte le risque d’abus dans l’exégèse ou l’analyse parfois un peu pontifiante de l’œuvre cinématographique autant que de la « machine romanesque » d’aujourd’hui qui permet en effet toutes les initiatives et tous les bricolages.
Je retiendrai pour ma part plus prosaïquement l’excellente situation psychologique et circonstancielle du cas d’Antoine de Saint-Exupéry à la veille de sa mort tragique, les intéressantes mises au point à propos de l’Ode- serpent de mer et de la fantaisie de ses multiples attributions, les envolées humoristiques et les éclats de rire complices, ainsi que les révélations référencées et démystifiantes sur les prétendus pouvoirs de la fameuse « toile souveraine », de même que le constant souci de canalisation pédagogique de l’auteur, par ailleurs professeur lui-même, souvent tiraillé par l’envie d’éparpillement érudit et de complexité du dire.
C'est dans l'hebdomadaire "Informateur Corse Nouvelle" (ICN) du Vendredi 4 décembre 2015 que cela se passe, page 19.
Avec son autorisation, voici l'article de J. Fusina. Il insiste sur l'aspect moderne de la composition de l'ouvrage (trois parties, bricolages narratifs, entremêlement des voix) pour mettre en garde les lecteurs non avertis. C'est bien vu, car dans mon esprit, il y avait la volonté de proposer un roman inventif, une structure ouverte où le lecteur est sollicité, un roman sur la possibilité de l'amour, à la fois dramatique et ludique. D'ailleurs la tension entre le foisonnement, l'éparpillement et la concentration, la volonté de clarté est thématisée à travers le personnage de Benjamin. C'est cette tension que j'aime, et j'aime que le lecteur soit convié à jouer le jeu.
Donc, voici l'article, bonne lecture ! :
Pour un Saint-Exupéry
Ce n’est là que le sous-titre du dernier ouvrage de François-Xavier Renucci La toile souveraine (Albiana, 2015) mais il est vrai que le souvenir de l’écrivain-aviateur y est présent de la première à la dernière page, car il ne faut peut-être pas se laisser trop perturber d’emblée par l’organisation interne parfois déroutante de ce roman qui annonce trois parties aux intitulés étranges entre « Le début des emmerdes » et « Time out » en passant par « La littérature nazie en Corse ». Manière sans doute de mieux convaincre le lecteur par un affichage qui tient à prendre en compte les divers plans où le narrateur place le texte. Car il y a d’abord une histoire d’amour semi clandestine dans une chambre d’hôtel aux volets clos où un jeune couple suit à distance les délires d’un ami universitaire, Jacques Casanova, fraîchement issu d’un séjour en hôpital psychiatrique, à propos d’un poème prétendument attribué à Saint-Exupéry. L’enquête de l’enseignant, menée par cours interposés, permet certes de débrouiller progressivement les secrets de cette « Ode à la Corse » en s’intéressant notamment au séjour réel autant que très bref de l’aviateur dans l’île en 1944, puis elle débouche sur un « time out » où se reforme le couple initial après une fuite en Nouvelle-Zélande, survenue entretemps, du garçon, nommé Benjamin, et est donnée la nouvelle de la mort de Jacques en même temps que le résultat de son enquête.
Ainsi résumé sommairement le livre pourrait désarçonner tout lecteur habitué aux récits linéaires et aux unités narratives classiques. Or, ce n’est pas le cas ici puisque non seulement les plans de l’action s’entremêlent comme d’ailleurs les divers « je » qui y sont mis en œuvre, entre le dialogisme initial et les correspondances épistolaires, sans compter les blogs et autres DVD, mais encore la partie centrale est-elle constituée par le compte rendu détaillé des séminaires du professeur volontairement trop caricaturaux pour favoriser toute tentation identificatrice de ceux qui dans une société insulaire exiguë auraient trop souvent tendance à chercher partout des clés de lecture, en relation avec le réel vécu auquel il est fait allusion à plusieurs reprises.
Les lecteurs un peu mieux avertis des évolutions et manières de l’écriture contemporaine trouveront en revanche matière à réflexion et à commentaire en s’intéressant par exemple aux nombreuses digressions, citations ou références qui, nourrissant l’univers littéraire de l’auteur, lui permettent une liberté de ton, allant du comique au tragique, du loufoque au sérieux, par des montages et assemblages modernes, des ruptures et des surprises vers les possibles prolongements de la lecture. Tout comme pourraient le faire certains spectateurs de ciné-club après la projection en discutant avec réalisateur et participants. Atmosphère familière et sympathique, dans ce cas, même si elle comporte le risque d’abus dans l’exégèse ou l’analyse parfois un peu pontifiante de l’œuvre cinématographique autant que de la « machine romanesque » d’aujourd’hui qui permet en effet toutes les initiatives et tous les bricolages.
Je retiendrai pour ma part plus prosaïquement l’excellente situation psychologique et circonstancielle du cas d’Antoine de Saint-Exupéry à la veille de sa mort tragique, les intéressantes mises au point à propos de l’Ode- serpent de mer et de la fantaisie de ses multiples attributions, les envolées humoristiques et les éclats de rire complices, ainsi que les révélations référencées et démystifiantes sur les prétendus pouvoirs de la fameuse « toile souveraine », de même que le constant souci de canalisation pédagogique de l’auteur, par ailleurs professeur lui-même, souvent tiraillé par l’envie d’éparpillement érudit et de complexité du dire.
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